Ce numéro qu’elle n’oubliera jamais!

L'histoire de Mélissa et de sa Marraine Brigitte

Mélissa, aujourd’hui âgée de 32 ans, témoigne au sein de nos locaux, accompagnée de sa marraine, Brigitte.

Son parrainage débute à l'âge de 7 ans, lorsqu'elle rencontre Brigitte, sa marraine, ainsi que Philippe, son mari, et leurs enfants.

Suite à des difficultés familiales, elle a 18 mois lorsqu’elle est d'abord accueillie dans un Service Résidentiel d'Urgence avant de rejoindre L'Hacienda, un lieu où elle vivra jusqu'à ses 18 ans.

En raison du manque de contacts extérieurs, les intervenants de l'Hacienda ont proposé de mettre en place un projet de parrainage pour Mélissa.

Pouvez-vous nous raconter votre première rencontre ?

Mélissa : « Je me rappelle être venue chez Parrain-Ami pour discuter. Je me rappelle ensuite avoir rencontré Brigitte et Philippe à l’Hacienda. C’était l’endroit où je vivais tout le temps, mais un week-end par mois j’allais chez eux. Le parrainage était ma seule bulle. »

Que représente votre marraine pour vous?

Mélissa : « C’est ma marraine ; elle connaît déjà la réponse, je lui ai déjà dit. Avant je ne savais pas l’appeler marraine. Il a fallu du temps, le temps qu’on apprenne à se connaître, même si on s’est très vite attachées l’une à l’autre. Au fur et à mesure des années, on a senti qu’on se complétait. À partir de ce moment-là, j’ai toujours été impatiente. On avait notre rituel, on allait manger un Quick ou un McDo le vendredi soir. La relation s’est instaurée assez rapidement. »

Avez-vous rencontré des difficultés dans votre parrainage ?

Brigitte : « Au début, il a fallu l’apprivoiser et comprendre ses difficultés. Elle ne parlait pas beaucoup. Son comportement nous questionnait. Heureusement, il y avait le trajet en voiture car nous habitions à 45 minutes de l’Hacienda. C’était plus facile pour elle de parler quand nous étions toutes les deux. 

Pendant son adolescence, on a parfois perdu le contact. Elle a eu de mauvaises fréquentations et je n’arrivais pas à gérer. Il y a eu des moments très angoissants où j’imaginais le pire. Quand elle appelait, j’étais soulagée et heureuse d’avoir de ses nouvelles. Elle changeait souvent de numéro par sécurité. C’est grâce à elle et au fait qu’elle ait retenu notre numéro de téléphone fixe qu’on a pu garder contact. »

Mélissa : « C’est vrai que marraine a eu besoin d’une pause mais elle ne l’a jamais vraiment dit. Peut-être qu’une fois elle m’a dit qu’elle voulait plus trop que je l’appelle. Elle m’avait aussi dit qu’elle serait toujours présente mais pas comme ça. Malgré qu’il se soit passé plusieurs choses, qu’on se soit parfois disputées, on a toujours pu reparler de tout ça. J’ai toujours été très honnête avec elle. Je sais que c’est un truc qui a beaucoup joué entre nous, j’ai jamais profité d’elle, j’ai jamais volé. Je savais qu’elle continuait de penser à moi même si on ne se voyait plus. Puis, je me suis dit : « Autant essayer ». Si elle ne voulait plus me voir, je ne l’aurais pas harcelée. Elle compte beaucoup pour moi. En fait, j’ai jamais eu peur de la perdre, je savais qu’elle serait toujours là. Bon après, je sais que je ne dois pas abuser non plus. »

En quoi le parrainage a-t-il été un « plus » dans votre vie ?

Mélissa : « Je serais peut-être morte sans le parrainage, non je rigole. C’est vrai que si je n’avais pas eu ma marraine, j’aurais passé tout mon temps à l’Hacienda car le juge a à un moment pris la décision que je ne pouvais plus aller en journée chez mon papa. Puis quand j’ai grandi, avec mes mauvaises fréquentations, je n’aurais peut-être pas été la même si je n’avais pas eu de famille de parrainage. Je n’aurais sans doute pas ma maison sociale aujourd’hui sans Brigitte. C’est elle qui a fait les démarches auprès de la Maison’elle (maison d’accueil pour femmes) pour que je sois accueillie. Peut-être que sans Brigitte, je serais encore à la rue.

Petite, je me sentais abandonnée, j’avais l’impression que ma mère et mon père ne m’aimaient pas. En grandissant, je me suis rendue compte qu’heureusement que les juges existent et qu’ils ont pris la décision de me placer. Ça a changé ma vie de savoir que j’ai eu cette chance.

Le parrainage m’a fait du bien mais il ne m’a pas changée. Brigitte ce n’est pas ma maman. Le parrainage ne pourra jamais m’enlever cette douleur que je ressens aujourd’hui. Mes sœurs et moi on a perdu nos parents. Par contre, je tiens à ma marraine et je sais que le jour où elle ne sera plus là ce sera très dur. »

Qu’est-ce que vous auriez envie de dire à un adulte qui hésite à se lancer dans le projet de parrainage ?

Brigitte : « Même si un parrainage ne dure pas, il apporte de toute façon une autre approche de la vie familiale et sociale pour des enfants écartés de leur famille. Mélissa m’en parle encore souvent. Ce sont des souvenirs, mais pas seulement. Et si cela se termine, il faut être reconnaissant pour tout ce qui a été positif. Les enfants ne doivent pas considérer cela comme un nouvel échec pour eux, mais plutôt comme une chance pour tous d’avoir fait un bout de chemin ensemble. Soyez conscients que cela change votre vie et que cela peut sauver la leur. »

Un dernier mot ?

Brigitte : « Je vous remercie d’exister, car ma vie n’aurait pas été la même sans Parrain Ami. Je ne savais pas quel parcours cet engagement me réservait. Ces enfants ont un parcours différent. Ils vivent des choses difficiles, parfois hors du commun. Ils font parfois de mauvais choix. Mais nous pouvons les aider à trouver leur chemin. Si Mélissa n’avait pas retenu notre numéro de téléphone fixe, sans jamais le communiquer à d’autres, elle serait certainement encore à la rue. Mais elle a appelé quand elle a eu besoin d’aide. Le fait que nous ayons créé un lien dans son enfance lui a permis d’avoir un lieu où se retrouver en confiance. Ce lien de parrainage a été extensible, mais il n’a pas été rompu.»